Débat sur l'Identité nationale: universalisme républicain ou république de coahabitation?

Publié le par hertold29

L’État ne devrait-il jouer aucun rôle dans la construction de l’identité nationale ? En réalité, dans ce domaine, l’État a toujours joué un rôle majeur, notamment :
-par la définition de l’espace de l’identité nationale avec la création des frontières de la nation française ;
-par l’imposition progressive, à partir de l’ordonnance royale de Villers-Cotteret (25 août 1539), d’une langue nationale, qui n’est pas seulement une façon de parler mais aussi une façon de penser ;
-par la construction d’une administration centralisée luttant contre les particularismes locaux ou provinciaux, des premiers âges de l’absolutisme royal à l’administration préfectorale ;
-par l’autonomisation croissante de l’État et de la société civile vis-à-vis des Églises, de la Renaissance à la loi de séparation de 1905, qui fait qu’aujourd’hui la laïcité constitue un des fondements de notre identité nationale ;
-par l’instauration d’une Instruction publique, dotée de programmes nationaux, et dont l’une des ambitions majeures était d’amener tous les écoliers, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, à devenir des citoyens français et à en concevoir de la fierté ;
-par l’égalité de tous devant une justice commune ;
-par la distinction de plus en plus nette opérée entre Français et Étrangers, à partir du milieu du XIXe siècle, processus qui s’est accompagné par la définition des conditions d’accès de ces derniers à la nationalité française, notamment par la loi du 26 juin 1889.

Certes, l’État n’a jamais été le seul acteur de cette construction. Français et immigrés installés sur le territoire national y ont pris leur part, individuellement ou collectivement, notamment lors des révolutions, des révoltes et des mouvements sociaux : le suffrage universel, le droit du travail, le droit à la santé, etc. tout cela, qui constitue aussi des éléments de notre identité nationale, en est aussi le fruit. Sans leurs luttes, le droit de vote des femmes n’aurait pas fini par s’imposer, tout comme le droit à la contraception et à l’avortement.

Si l’identité nationale est une construction historique faite de synthèse, elle repose d’abord sur un héritage, sur la « possession d’un riche legs de souvenirs » (Ernest Renan). Dans L'identité de la France, Fernand Braudel écrit qu'une « nation ne peut être qu'au prix de se chercher elle-même sans fin, de se transformer dans le sens de son évolution logique, de s'opposer à autrui, de s'identifier au meilleur, à l'essentiel de soi (…) toute identité nationale implique, forcément, une certaine unité nationale ».

Loin d’être le résultat d’un processus spontané, l’identité nationale est un produit historique, c’est-à-dire une réalité construite par l’histoire et ancrée dans l’histoire. Dès lors, l’intégration des nouveaux arrivants au sein de la Nation a toujours constitué un défi : défi pour la Nation d’accueil qui doit intégrer des immigrés dont la culture, les coutumes, les valeurs spirituelles lui sont plus ou moins étrangères. Défi pour les immigrés qui doivent assimiler les valeurs de la Nation au sein de laquelle ils aspirent à vivre, ce qui signifie abandon d’une partie de leur propre identité. Il est indiscutable que les immigrés, à quelque période que ce soit, ont enrichi la France, par leur travail comme par leurs apports culturels. Mais il est tout aussi indiscutable qu’ils ont été progressivement conduits, voire contraints, de se fondre dans la société française, de devenir des Français.

N'est-ce pas Claude Lévi-Strauss qui écrivait « aux XVIIIe et XIXe siècles, (le) système de valeurs (de la France) représentait pour l'Europe et au-delà, un pôle d'attraction. L'assimilation des immigrés ne posait pas de problème. Il n'y en aurait pas davantage aujourd'hui si, dès l'école primaire et après, notre système de valeurs apparaissait à tous aussi solide, aussi vivant que par le passé (…) Si les sociétés occidentales ne sont pas capables de conserver ou de susciter des valeurs intellectuelles et morales assez puissantes pour attirer des gens venus du dehors et pour qu'ils souhaitent les adopter, alors, sans doute, il y a sujet de s'alarmer ».

« La synthèse des pluralismes et de la diversité des populations »ne relève donc pas d’un processus de fusion, elle ne constitue pas un alliage à égalité de proportion, mais un processus d’assimilation, tout à la fois contrainte et acceptée, dans un espace à la fois géographique, politique et mental, qu’on appelle la nation française. Une assimilation qui entraîne l’acceptation de normes et de règles qui s’imposent à tous, aux « vieux » Français, comme au nouveaux et à ceux qui aspirent à le devenir.

C’est cela qui constitue les « traditions démocratiques françaises » : la possibilité pour chacun de devenir citoyen du pays qui l’accueille, dès lors qu’il en adopte les principes fondamentaux et qu’il en accepte les règles.



Ce débat sur l’identité nationale montre que la République est, aujourd’hui, à une croisée des chemins. Deux voies sont proposées. La première, dans la perpétuation des « traditions démocratiques françaises », entend maintenir la République dans ses valeurs universelles, une République une et indivisible, laïque, composée de citoyens égaux en droits et en devoirs, assurant l’égalité des hommes et des femmes, etc. quitte à lutter pour que les réalités se rapprochent chaque jour un peu plus de cet idéal.

L’autre voie suggère d’abandonner l’universalisme républicain au profit d’une République de la cohabitation, du voisinage entre communautés, chacune disposant de ses valeurs, de ses normes, de son droit et de ses représentants.

Et vous?

Publié dans société

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article